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et si nous tentions d'y voir un peu plus clair.......
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20 mars 2011

ecce homo

Je voudrais revenir sur ce qui vient de se passer au Japon. Non pour reprendre tout ce qui a pu être dit mais pour vous faire part de ma réaction et de ma réflexion.

Face aux images du Japon frappé par un tremblement de terre et un tsunami mais aussi menacé d'une catastrophe nucléaire, j'ai été envahi par une sensation intérieure aux multiples visages : un choc, un effondrement intérieur, un abattement, comme une dépression.

Soudain, quelque chose m'a frappé à l'intérieur, m'a réduit au silence, m'a réduit à l'effroi, m'a interdit. Puis rapidement la mémoire m'est revenu. J'ai déjà ressenti tout ça. Je retrouvais le même vécu intérieur que face aux attentats du World Trade Center.

Loin de moi l'idée d'identifier les deux événements : d'un côté la force de la nature avec ses soubressauts aux conséquences industrielles inquiétantes, de l'autre la violence de l'être humain enfermé dans une idéologie. Il n'en reste pas moins que le résultat sur mon monde intérieur a été le même. Je ne pouvais pas ne pas noter l'identité du ressenti intérieur et ne pas me poser la question : quel peut être le point commun entre deux événements aux sources si différentes pour qu'ils génèrent la même sensation en moi ?

L'évidence est alors montée, l'évidence de la similitude entre ces maisons, ces villes effondrées au Japon et ces deux tours effondrées aux États-Unis. Et le parallèle évidant avec mon propre effondrement intérieur. Quelque chose s'effondre dehors et dedans. Quelque chose ne résiste pas au choc, à l'impact. L'effondrement intérieur comme en écho à l'effondrement extérieur.

Qu'est-ce qui s'effondre à l'extérieur ? Tout ce que l'homme a créé, toute l'infrastructure humaine et sociale : les maisons, les immeubles, les routes, les ponts....Tout cela est emporté comme un fétu de paille. Tout cela qui nous semblait si fort, si solide, tout cela n'est rien, tout cela n'a pas de poids, tout cela ne tient à rien, tout cela est un faux semblant, tout cela est une illusion.

Une illusion de quoi ? Une illusion de protection.

Une illusion de protection individuelle d'abord et avant tout. Le vêtement déjà, comme deuxième peau venant suppléer l'absence totale de couches de poils ou de plumes qui recouvrent tous les autres animaux et qui peuvent les protéger du climat. Ces vêtements qui flottent sur les eaux de l'océan engouffré dans les villes, ces vêtements épars au milieu des débris des maisons ou des tours effondrées. La maison ensuite, comme troisième peau, venant suppléer encore une fois l'absence totale de poils ou de plumes, mais aussi de carapace, de pics, de crocs, de dents acérées qui peuvent protéger l'individu du danger extérieur. La propriété privée et la loi qui la défend : au-delà de cette ligne tu es chez moi et tu seras puni si tu franchis cette ligne sans mon autorisation, comme d'un coup de griffe, comme d'un coup de dent, comme d'un coup de pics. Ces maisons et ces tours effondrées, rmais aussi ces palais de justice, tout cela réduit en poussière par le tremblement de terre, le tsunami ou l'attentat.

Une illusion de protection collective ensuite. La ville, ses rues, ses ponts, ses lignes téléphoniques et ses connexions informatiques qui tissent le réseau des liens, qui me mettent, moi l'individu avec mes couches successives de vêtements et de murs d'habitation, comme au creux du collectif, collectif réglé du mieux qu'on peut pour tenter de protéger tout un chacun. Ces villes détruites, ces rues défoncées, ces ponts  effondrés, ces lignes téléphoniques coupées, ces connexions informatiques déconnectées, tout cela par terre, réduit à néant.

La nudité. L'homme nu face à la vie. Voilà ce que dévoilent le tremblement de terre, le tsunami et l'attentat. L'impossibilité radicale de se protéger. L'illusion de pouvoir se mettre à l'abri et de traverser sans dommages. L'homme nu face à la mort. L'impossibilité radicale d'y échapper, même dans un bunker, même entouré des gens qu'on aime. Le vent l'emportera comme dit la chanson. Les villes seront détruites, les ponts seront coupés, les communications ne marcheront plus, les maisons seront rasées, les vêtements seront arrachés, la peau sera a nue sous le soleil, sous la pluie, sous le froid.

Ecce homo. La nudité incarnée, la fragilité incarnée, le soumis à l'existence, au caresses et aux choc de l'existence. Telle est la réalité de l'homme. Tout les reste n'est qu'illusion, tout le reste n'est que rêve. L'image du christ frappé, humilié, torturé, crucifié que l'on moque et que l'on présente ironiquement : ecce homo. Oui, voilà l'homme et cette vision est vérité. Voilà l'homme tel qu'il est quand on le révèle, quand on lui enlève ses fausses protections. L'image est terrible mais elle est vraie. A chacun de se l'approprier, de se rendre compte de son extrême vulnérabilité, d'être un être offert.

Et ce qui s'effondre à l'intérieur. L'espoir d'être protégé, la croyance en la protection au sein de sa famille qu'on aime et qui nous aime, au sein de sa maison, au sein de ses réseaux, au sein du collectif. Non. Tout cela ne tient pas. Je suis seul, toujours seul et nu, face à la vie, face à la mort. Aucune protection. Ce qui s'effondre est toujours ce qui n'est pas vrai. Le vrai ne peut s'effondrer, seul le mensonge. Position virile. Oui. Oui je suis cela. Oui, ecce homo. La solution, s'il y en a une, doit se trouver dans le fait de s'offrir à ce destin d'offert, de le prendre, de l'assumer. Voilà ce que je suis de tout éternité. Un enfant nouveau né. Un nouveau né nu, toujours, même derrière ses protections qu'il a cherché à construire, protections personnelles, protections relationnelles, protections religieuses, protections idéologiques, protections collectives. Le vent emportera tout cela. Ne restera que la pousière. Vivre en se sachant déjà poussière. La dépression. Peut-on y échapper quand l'illusion commence à tomber ? Le face-à-face avec la vérité commence toujours par un face-à-face avec le mensonge que pour la première fois l'on voit et qui s'effondre alors, ne pouvant plus tenir. Le deuil intérieur en écho au deuil extérieur des japonais, des américains et de tous ceux qui se sont découverts offerts à l'occasion d'une révélation parfois à la hauteur de l'aveuglement et de la surdité de l'être humain face à la vérité.

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